Plus personne à défendre

A la sortie de la salle du trône, Elegost passa devant les gardes sans leur adresser son habituel signe de tête. Il se dirigea dans le sens contraire des portes, mais une grande forme blanche lui bloqua le passage.

*L'Arbre Blanc ! Cela fait longtemps que je passe devant toi en songeant que tu es la chose que j'ai juré de défendre jusqu'à la mort, et là mes pas semblent avoir oublié que tu te dresse au cœur de ce royaume.
Serait-ce là un signe de ma décision ? Commencerais-je déjà à t'oublier alors que je ne t'ai pas abandonné ?
Ne serais-tu pas digne d’être servi par ma lame ? Ou ne serais-je pas digne de te servir ?
N'aurais-je plus personne à défendre ?*


La porte de la salle du trône s'ouvrit.
Sans prendre le temps de jeter un regard en arrière, l’homme de Dale quitta la Cour du Nimloth. Il n’avait aucune envi de croiser les regards de ses amis. Et encore moins, il ne voulait pas entendre leurs avis sur son choix.
Imrahil lui reprocherait d’avoir voulu tomber avec lui. Après tout, un capitaine en moins est déjà une lourde perte, alors deux capitaines …

*Non, Elegost. On n’a pas besoin de toi. Tout ce que tu as pu faire, c’est perdre l’Ithilien et la rive est d’Osgiliath.*

Varamir le regarderait dans les yeux et hocherait légèrement la tête pour lui afficher son soutien, tout en se demandant comment il fera pour commander seul les défenses du Gondor.

*Et si un capitaine de l’étoffe de Varamir se suffirait pas ?*

Et Amrod ? Son sens de la fidélité ne sera pas ébréché par la décision d’Elessar.

*Il restera fidèle au Gondor, pour sûr. Mais ai-je penser à lui, ai-je pensé aux rangers et à tous les soldats qui ont pour seule fierté de se battre à mes côtés.

Oh arrête, Elegost, tu n’est pas le commandant adoré de dizaines de soldats. Leur chef, c’est Elessar.

Elessar ? Elessar qui reste cloîtré sur son trône…*

Elegost entendit quelqu’un courir dans son dos.

*Je ne pourrai pas fuir tes responsabilités bien longtemps …*

Un homme l’interpela.

« Elegost ! »

L’interpellé s’arrêta et se retourna. Il avait reconnu la voix, et fis signe à Imrahil de le suivre.
Elegost continua sa route vers la sortie de la Citadelle. Après avoir passé la lourde porte, il bifurqua vers un grand bâtiment en marbre adjacent.

Malgré les allures nobles du bâtiment, celui-ci n’était gardé par personne. Les sentinelles de la Citadelle avaient tout de même l’habitude de veiller à ce que personne ne tente d’y pénétrer.
Après tout, ils se doivent de préserver les propriétés de l’Intendant.

*Sacré Elegost. Je débarque au Gondor après toutes mes aventures, je deviens Intendant, je me fais construire un palais pour y entreposer des trébuchets et je crache aux pieds du Roi….*

Je poussa la porte du bâtiment, dégaina l’épée à ma ceinture et trancha une toile d’araignée.

Tandis que j’attendait Imrahil, j’ôtait la toile sur la lame, en prenant soin de ne pas me couper.

*Me couper ? Elle ne coupe plus beaucoup. C’est bien la peine d’avoir une merveille de forgeron, cadeau d’un seigneur des Beornides, et de ne pas en prendre soin !
Que me dirait Beorn en voyant dans quel était j’ai mis son épée !*

La porte grinça. Je me retourna vers Imrahil qui venait d’entrer dans le bâtiment.

Imrahil n'était jemais rentré dans la maison de Elegost ... Dommage, il aurait souhaité y pénétré dans de meilleures conditions... Avec son moral abattu, même l'artillerie Gondorienne en pièces détâchées ne retint pas son attention...

Un silence gêné s’installa dans la grande pièce. Les deux hommes se dévisagèrent, sans savoir que dire à son interlocuteur.
Elegost ouvrit la bouche en premier, mais c’est Imrahil qui prit la parole.
« Elegost ! Je t'en prie, reviens sur ta décision! Le Gondor a besoin de toi! Je partais en me disant que même sans moi, tu serais capable de mener notre peuple à la victoire! Mais si tu quittes ce royaume maintenant, QUI mènera nos hommes au combat ?! »

*Je m’y attendais …* se dit Elegost .

« Crois-tu que j’ai pris cette décision à la légère ? ( Oui, répondit une petite voix dans la tête d’Elegost) .
- Justement, je te demande de bien penser aux conséquences!
-Crois-tu qu’il m’est facile d’abandonner des soldats qui ne demandent qu’à mourir à mes côtés ? Je sais bien que l’on compte sur moi pour la défense du Gondor, mais comment brandir mon épée au devant d’une bannière en laquelle je n’ai plus de foi ?
-Ecoute-moi , je sais que je suis l'un des meilleurs combattants du Gondor, mais toi, tu es plus important encore! En plus d'être l'un des meilleurs combattants, tu es notre général ! Celui qui mène l'armée! C'est grâce à ton sens tactique que nous avons tenu Osgiliath ! Nous avons besoin de toi! Nous COMPTONS sur toi !
- Le général ? Pour le moment, je n’ai pas servi à grand chose, à part accélérer notre défaite…
- Arrêtes ! Tu sais aussi bien que moi que nous n’avions pas les clés en main pour défendre la rive est ! »

Elegost tourna le dos à Imrahil. Il s’avança vers une commode, et lui administra un coup de pied. Le meuble se fracassa au sol.

« Comment puis-je mener au combat des guerriers ayant juré fidélité à un Roi que je n’ai pas envie de défendre ? Nous avons dans ce pays des guerriers bien plus aptes que moi à servir d’exemple. J’ai joué mon rôle dans cette bataille. Peut-être que j’en reprendrais les rênes un jour, mais pour le moment, le Gondor n’a plus besoin de moi.
Tous ces morts, toutes ces défaites viennent de notre Roi et de son serviteur : moi.
Terminé, tout cela. »

Imrahil vint juste derrière Elegost .

« Tu te trompes Elegost , et tu le sais... Le Gondor a besoin de toi, plus que jamais! Oublies le Roi si tu n'as plus foi en lui! Bats-toi pour notre peuple!
Le Gondor possède de nombreux guerriers de valeur... Mais des hommes comme toi, il n'en a guère... »

En disant sa dernière phrase, Imrahil s'était permis de venir à côté de Elegost en lui donnant une tape amicale et en souriant. Elegost demeura néanmoins dans sa déprime.

« Tu perds ton temps, Imrahil ... Ma décision est prise. Je quitte le Gondor . »

Imrahil était assez déçu de son incapacité à convaincre Elegost . Après un instant à rester figé sans rien faire, Imrahil se tourna vers la porte de sortie du palais...

« Très bien... Dans ce cas, je te laisse te préparer... Moi-même j'ai à faire pour mon départ... »

Sur ce, Imrahil quitta le palais de Elegost à grands pas et se rendit à la taverne pour prendre quelques affaires...

Elegost laissa Imrahil partir. Il aurait voulu lui affirmer son soutien, mais la conversation n'avait pas tournée comme il l'aurait voulu.
Il s'en voulait de s'être emporté contre Imrahil. Le nouveau ex-capitaine de l'infanterie était peut-être le frère d'armes en lequel il avait le plus confiance, mais c'était aussi un ami.

Dans le vain espoir de se débarasser de ses idées noires, Elegost se mis à marcher . Il parcourut une à une les pièces de son palais, s'arrêtant sur quelques pièces d'artillerie pour retirer un mouton de poussière.

*J'espère que personne ne viendra les déloger d'ici. Il se peut qu'un jour je décide de les inaugurer sur le crâne d'un orque.*

Elegost revint à l'entrée du palais, et ferma les portes de l'intérieur. Il abbatit une barre de bois contre elles, afin de bloquer toute tentative d'ouverture par l'extérieur.
Puis il se dirigea vers une fenêtre, s'inflitra par le trou qu'elle offrait et la claqua derrière lui.

*Comme ça, ça devrait aller ...*

Il rejoignit la rue principale et descendit les niveaux jusqu'à arriver à la quatrième porte. De là, il emprunta une rue secondaire dans le troisième niveau, s'avança sur un carré d'herbe avec un sapin en son centre, et ouvrit la porte de son appartement.

Il remit debout une chaise qu'un courant d'air avait fait tomber, puis posa les yeux sur un buste contre un mur.

*Fingolfin, fils de Finwë, Grand Roi des Noldor de Beleriand. Toi tu avais eu la volonté de t'opposé au mal, et même si tu mourus en duel contre Melkor, tu insufflais l'espoir à ton peuple.
Puisse le Roi du Gondor te prendre en exemple dans cette lutte contre l'Ombre.*

Elegost détacha le fourreau de son épée à son côté et le posa sur la grande table. En relevant les yeux, il observa un tableau qu'il avait un jour commandé à un certain ranger Isildur.
Le tableau représentait une charge de cavalier et de fantassins avec à leur tête trois grands ours.

*La charge du Pelennor par le Nord. Le Rhovanion et le Rohan venèrent au secours du Rohan, tandis que Berethor menait des haradrim dissidents par le Sud.*

Un sentiment de regret enfla dans l'esprit du rôdeur. Avait-il mené tous ces combats, mobiliser toutes ces armées pour partir ainsi ?

Doucement, Elegost se mis à chanter un chant du soir du Rohan, en ouistrain.


"Où sont le cheval et le cavalier ? Où est le cor qui sonnait ?
"Où sont le heaume et le haubert, et les brillants cheveux flottants ?
"Où sont la main sur la corde de la harpe, et le grand feu rougeoyant ?
"Où sont le printemps et la moisson, et le blé haut croissant ?
"Ils sont passés comme la pluie dans les montagnes
"Comme un vent dans les prairies
"Les jours sont descendus à l'Ouest
"Derrière les collines, dans l'ombre
"Qui recueillera la fumée du bois mort brûlant ?
"Ou verra les années fugitives de la Mer revenant ?"


Il abandonna la contemplation du tableau et passa dans la pièce annexe où il entreposait toutes ses armes. Une par une, il saisit sa lance d'acier, son arc d'if de Dale et son carquois aux ornements dorés, sa paire de lames elfiques, son arbalète à répétition, son grand bouclier du Gondor en mithril, son bouclier, plus petit, où était incrusté un miroir façonné par les nains, sa dague en très mauvaise état, sa paire de canon d'avant-bras, son fouet, ses poignards de lancer, en enfin sa fronde.

Il posa le tout sur la table, alignés au côté de l'épée.

Puis il décrocha du mur son haubert d'écailles, ses avant-bras en mithril, sa tenue de camouflage de Rhovanion ainsi que sa cape elfique grise.

*... qui vire maintenant au noir, d'ailleurs ...*

Il enfila sa tenue verte prenant la couleur des arbres alentours, son haubert, et ses avant-bras. Puis il passa en revue ses armes.

L'épée Chewbacca. Portant le nom d'un guerrier d'antan dont la fourrure était de la même couleur que l'épée. En effet, celle-ci était marron à cause de la rouille, mais elle adaptée plus que toute autre arme à la main d'Elegost.
Le ranger la remis à sa ceinture.

L'arc d'if. Conçu selon l'arc de Bard, descendant de Girion, qui tua le dragon Smaug. Le carquois et l'arme en elle-même furent sanglés sur le dos du rôdeur.

Les lames elfiques. Puisse-t-il les abandonner après tant de service ? Mais se charger de trop d'armes est un risque quand on réfère un style de combat nerveux.
Elegost dégaina les deux armes. L'arme de droite était plus rouillée ; de plus, il utilisait ses deux lames en tant qu'arme secondaire en plus de l'épée. S'il ne devait qu'en utiliser qu'une, autant prendre la gauche, Elegost étant droitier à l'épée (mais gaucher à l'arc).
Il n'attacha à sa ceinture que la lame gauchère.

Les dards. Avec un arc et une épée de telle facture, ils sont plus que superflus.

Les canons d'avant-bras. Il faudra un jour qu'Elegost pense à retourner voir cette tribu des terres brunes qui lui avait offert cette technologie naine. Une des deux armes ayant un jour servi à faire sauter le verrou d'une porte d'une base haradrime pour pouvoir partir au secours d'Elessar , il faudra songer à recharger le canon de poudre ...

"Au secours d'Elessar". Elegost chassa ce souvenir de "service rendu à la nation", et attacha les canons nains sous ses avant-bras.

La lance. A part faire du poids, je n'en voie pas l'intérêt. Je suis un épéiste, pas un lancier, comme Eless...

"AH !"

Les boucliers. Elegost combattait parfois avec un bouclier lors des batailles de plaine, mais il ne prévoyait pas de s'engager dans des batailles épiques de si tôt.

La fronde. Très drôle.

Le fouet ...
Elegost avait une affection toute particulière pour le fouet.

*Va pour le fouet ...*

Et l'arbalète à répétition. Une merveille de technologie qui sera bien utile un jour à Elegost.
Mais elle est lourde.
Mais ...

Elegost rangea les armes qu'il avait décid" de laisser de côté, saisit son arbalète, quitta l'appartement en essayant de ne pas trop regarder en arrière et controurna le bâtiment. Il arriva devant un cabanon de bois. Il déverouilla la porte et il vis son cheval, visiblement content, s'approcher de lui.

"Bonjour, toi. Vois-tu, j'ai un petit dilemne. J'ai prévu de quitter cette cité mais j'ai du mal à décider si tu viens avec moi. Vois-tu, je risque encore de me foutre dans des ennuis monstres et je ne voudrais pas que tu en subisse les conséquences ..."

Le cheval caressa l'épaule du guerrier du museau.

"J'ai compris. Mais tu sais, je risque de devoir franchir Osgiliath, pour partir d'ici. Et ça risque d'être difficile pour toi de suivre la cadence ...

Enfin bon. On verra l'itinéraire sur place. Après tout, je ne sais même pas où je vais...
Et si je resterais tout de même pour combattre, tant que je reste hors de portée de la Tour d'Echtelion..."

Citadelle de Minas Tirith.

Le capitaine Gallior était du genre à rester flegmatique qu'elle que soit la circonstance. Il était un vétéran des guerres contre le Mordor, et le fait qu'il soit le responsable des défenses de Minas Tirith lui conférait une certaine aura.

Mais aujourd'hui, ayant appris une nouvelle difficile, il était quelque peu perturbé. Il n'arrêtait pas de faire les cent pas devant la porte de la Citadelle, attendant des informations.
Son fils Brallior, exercant dans la garde de la Fontaine, était un admirateur d'Elegost. En effet, lors de l'opération de ce dernier pour sauver le Roi des griffes des haradrim il y a un an, le capitaine des rangers l'avait sauvé par la même occasion.
Or donc, il avait appris de son fils que le Capitaine Elegost avait démissionné de ses fonctions, et qu'il avait l'intention de quitter le Gondor, ainsi que son compagnon d'armes Imrahil.

*Fichtre ! avait-il pensé. Ce départ est bien triste, et il survient mal en ces heures sombres ...*

Une certaine organisation des hiérarchies du Gondor stipulait qu'en attendant une nomation, c'était Gallior qui était en charge des défenses d'Osgiliath et du Pelennor, responsabilité qu'il espérait remplir avec succès.

Mais cela commençait on ne peut plus mal. Il venait d'apprendre de la part d'un brigade de rangers éclaireurs que l'étau autour de Minas Tirith était en train de se resserer. Les ennemis du Gondor possédaient la moitié d'Osgiliath et tout l'Ithilien, mis à part quelques bastions de résistance, mais l'Anorien restait aux mains des guerriers de l'Arbre Blanc.
Mais une compagnie du Harad avait percé les défenses gondoriennes et s'était établi dans une forteresse. De ce poste de commandement, ils empêchaient tout lien avec Minas Tirith par le nord. Ce qui survenait mal pour Elegost et Imrahil, si ce dernier tenait l'ordre du roi de se rendre au Rohan.
C'est pour cette raison qu'il avait envoyé un cavalier rattraper Imrahil sur le Pelennor. Celui-ci avait été escorté jusqu'à Osgiliath pour l'informer de la situation.
Quant à Elegost, personne ne l'avait vu quitter Minas Tirith ; en revanche, on avait envoyé son ami Eaoden le quérir.


Alors que Gallior perdait patience et allait chercher sa pipe en bois, un cavalier franchit au galop les portes et se présenta devant lui.

"Capitaine Gallior ! Nous avons rattrapé le Capitaine Elegost ! Il a accepté de se rendre à Osgiliath pour qu'il puisse nous donner ses instructions !
- Le Capitaine Elegost ? Ses inscructions ? N'êtes-vous donc pas au courant de ce que toute la cité converse ? Le Capitaine Elegost n'est plus le Capitaine Elegost : il ne sert plus le Roi, pauvre imb..."

Gallior coupa court son juron et réféchit un instant.

*Elegost n'est certes plus capitaine, mais je ne suis pas fichu de savoir comment résoudre ce problème de blocus ...
Il pourra peut-être nous aider pour la dernière fois ...*